mardi 28 décembre 2010

Paris socialiste pas si sociale que ca

D'après les Échos, La Capitale a écopé d'une sanction de 15,1 millions d'euros pour non respect du quota de 20 % de logements sociaux imposé par la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU).
La loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains adoptée sous Jospin pousse à la mixité sociale avec obligation d’un pourcentage de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants.

Delanoé est-il pour ou contre cette loi ? Il en a surement discuté avec Lionel Jospin, vu l'ancienneté de leurs liens. Bertrand Delanoé a été élu pour la première fois au Conseil de Paris aux élections municipales de 1977 (!) en compagnie de Lionel Jospin, Claude Estier, Daniel Vaillant sur la liste de gauche emmenée par le député communiste Louis Baillot.

Toujours est-il que le Maire de la Capitale, aussi révolté soit-il par les hotels insalubres dans lesquels la Mairie loge à un cout fiscal, sanitaire et social inacceptable les personnes en difficulté, ne parvient pas à remplir son quota. Pourquoi ?

Avant de répondre à cette question, revenons sur l'esprit de la loi. La mixité sociale est-elle un objectif atteignable et souhaitable ?
Chacun ou presque s'exprime en faveur d'une France de mixité sociale, mais en rêve seulement. Car dans la réalité, les français ne veulent pas de mixité sociale. La source majeure de difficulté des banlieues à problème vient justement du fait que leurs contribuables les plus aisés (les classes moyennes) les fuient dès qu'elles le peuvent, pour diverses raisons, scolaires notamment. La désirabilité du logement social est donc déjà sujette à interrogation.
Mieux, dans les quartiers et banlieues qui bénéficient d'une mixité sociale forcée, du fait de l'arrivée des bobos dans des quartiers populaires, les habitants les moins fortunés de ces quartiers subissent la hausse des prix de l'immobilier (donc des loyers) et le changement au niveau des commerces. Pour les bobos, c'est oui aux commerces ethniques, mais pas trop exotiques quand même ! Oui au couscous, au mafé ou au riz thai, mais de préférence bien aseptisé. Cela fait bien longtemps que Montreuil, le Pré Saint Gervais ou même Saint Denis sont de parfaits exemples de gentryfication.

Du coup, puisque les riches polluent tout avec leur argent, peut-on forcer Paris ou Neuilly Sur Seine à avoir 20% de logement social ?
Une habitation à loyer modéré, c'est avant tout un mécanisme financier qui mèle un locataire éligible et un organisme type OPAC.
Le plafond d'admission en HLM est de 1963 € de revenus mensuels en Île-de-France, 1706 € dans les autres régions, pour une personne seule en 2008 : vu le salaire médian en Ile de France, la moitié des ménages franciliens sont théoriquement éligibles.
Pour faire du logement social, en gros, il faut que l'Etat, avec des ressources spécifiques, finance d'une manière ou d'une autre un organisme public ou privé qui s'engage à louer à un loyer plafonné en fonction des loyers alentour. Tout ceci signifie donc qu'à un moment ou à un autre, l'argent public doit acheter des actifs réels, au prix du marché, pour accepter une rentabilité amoindrie. Pourquoi pas, puisque l'Etat et les collectivités ont une obligation en matière de logement des gens (droit opposable au logement).
La question est donc de déterminer si l'Etat doit aider au logement la où les gens veulent habiter (les arrondissements centraux de la Capitale) ou la où cela coute moins cher à construire. On peut aussi se demander si les 20 arrondissements de la capitale doivent être considérés comme des communes différentes. On oppose souvent les 2,5% de HLM dans le XVIeme arrondissement aux 20% dans le XVIIIeme.
Pourtant, il ne vient à l'esprit de personne de rappeler que les 170 000 habitants du XVIe (7,7% des habitants de la Capitale) payent 20% de l'IRPP parisien.

On le voir bien, Bertrand Delanoé est en échec sur le logement, un sujet d'autant plus passionnel que l'attribution des HLM se fait sur des critères de copinage (voir l'article de Capital à ce sujet), ce qui a été confirmé par Francois Lebel, ancien adjoint de Chirac.


Un maire parisien avoue "la magouille" des logements sociaux
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Que conclure de tout ceci ?
D'une part, le logement HLM est sans doute un remède plus injuste que le problème qu'il est censé régler. Quand un bien tel que le logement est rare (au sens de contingenté, le contraire d'abondant), il n'existe que trois façons d'en réguler l'accès : la flexibiilité sur les prix (on laisse le loyer fluctuer jusqu'au dernier prix offert), la flexibilité sur les quantités (collocation forcée, comme en URSS), ou on exclue certains de la file d'attente (HLM attribués par relations).
D'autre part, le problème du logement à Paris est plus large que le simple cas des HLM. Ce sont tous les franciliens qui fournissent un taux d'effort enorme pour se loger. Tant que la banlieue ne bénéficiera pas, au minimum, de RER fonctionnant 24 h/24, il y aura un problème d'accès à certains types d'emplois tels que ceux proposés à Roissy Charles de Gaulle.
Enfin, comment parler du logement à Paris sans parler du Grand Paris ?
On peut donc légitimement se demander si l'intervention étatique sur le marché du logement, en tant que promoteur mais aussi en tant que régulateur (en France, les terrains sont non constructibles par défaut) est positive ou non. De nombreux spécialistes du marché du logement, comme Vincent Bénard, auteur de crise publique, proposent des solutions alternatives aux politiques actuellement menées.
Enfin, on ne peut que compatir aux difficultés rencontrées par le maire de la Capitale pour aligner ses discours à ses actes. Qu'il se rassure : en réalité, les habitants de la Capitale sont peut-être plutôt satisfaits de ce statu quo imparfait. En attendant, les hôtels insalubres brulent toujours.

2 commentaires:

  1. "erratum" l'info des Echos etait inexacte http://www.mediapart.fr/journal/france/281210/les-hlm-de-paris-le-ministre-et-les-fausses-polemiques

    reste le fond de l'affaire, la contradiction entre le logement social et la gestion du foncier parisien.

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  2. Très franchement, je pense que les débats sur les lois sont assez déplacés. C'est aux parlementaires de débattre de cela. Si les citoyens ont des avis négatifs sur celles-ci, je pense qu'ils doivent s'adresser aux parlementaires et non le crier sur tous les toits. Concernant ces logements, la loi est dur mais c'est la loi.

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